dimanche 15 novembre 2009

Monsieur Ben

On a tous eu à l´école un professeur préféré. Moi, c´était Monsieur Ben.

Arrivées du Liban en France en 1989, mon oncle nous avait inscrites ma soeur et moi à l´Externat Privé Saint Honoré d´Eylau dans le 16ème arrondissement de Paris.
Privé, parce que pour les libanais de l´époque, inscrire son enfant dans un établissement privé voudrait dire qu´un jour, il ferait partie de l´élite. L´élite française, celle dont tous les libanais rêvent de faire partie, celle qui renvoie l´image noble d´une parfaite éducation, ponctuée de concours, classes prépa, Sciences po ou HEC, et qui donne accès aux métiers les plus dignes. Manque de pot, j´ai fait mon vilain petit canard...

Au collège, je suivais certains cours moins assidûment que d´autres, comme par exemple les mathématiques, la biologie et les sciences physiques. En EPS (Education Physique et Sportive) j´étais aussi toujours dernière, sauf peut-être une fois où on nous avait emmené faire un jogging au Bois de Boulogne - bravo pour l´idée de génie - et qu´un exhibitionniste sorti subitement de son buisson m´avait fait tellement peur que, prenant mes jambes à mon cou, j´ai couru aussi vite que j´ai pu pour rattraper l´avant dernier, mon jadis gros mais toujours très bon ami Christopher. D´ailleurs, Chris arrête de rire je te vois d´ici.

Je me distinguais en revanche dans des matières comme le Français et l´Anglais. Que dis-je, j´excellais même!
Notre professeur de Français dont le nom m´échappe, ressemble dans mes souvenirs à Sylvie Vartan jeune avant son accident. Elle portait des jupes longues très fendues et des chemisiers blancs transparents souvent déboutonnés plus que de raison, au grand bonheur de mes camarades prépubères qui se bousculaient pour une fois au premier rang.
Comme je l´enviais cette femme blonde, jeune, élancée, belle et séduisante. Pourtant je ne me souviens d´aucun de ses cours!

Et il y avait Monsieur Ben.
Monsieur Ben c´était notre prof d´anglais. Comme je l´aimais Monsieur Ben. Bien que les traits de son visage se soient aujourd´hui estompés de ma mémoire, je garde en moi le souvenir de ses yeux pétillants, son allure droite et sa démarche affirmée; mais aussi de son costume noir ou marron je ne sais plus, de son teint un peu rougeaud et de ses cheveux blond vénitien.
L´anglais comme tout, ça se travaille. Bien sûr j´ai fait des séjours linguistiques, j´ai lu Seventeen et Cosmo Girl puis plus tard tous les romans de Marian Keyes. Mais mon amour de l´anglais je le dois en grande partie à Monsieur Ben.
Monsieur Ben était certainement l´un des meilleurs professeurs qui soient. Il avait de l´humour, de la présence et de l´autorité et toujours une petite pointe d´ironie. Il était l´un de ces professeurs qui vous apprennent à aimer et respecter la matière enseignée. L´un de ceux qui vous expliquent vos erreurs clairement, éradiquent vos doutes et vous poussent à croire en vous. Monsieur Ben était un professeur dont j´admirais la justesse et la fermeté, que je respectais et que j´aimais, tout en le craignant aussi dans ses accès de colère modérés. Un peu comme un parent, celui que je ne pouvais pas craindre parce qu´il n´était plus là.

Un jour à l´école on nous a dit que Monsieur Ben était malade et qu´il serait absent quelques semaines. Mais Monsieur Ben n´est jamais revenu.

Monsieur Ben est mort. Je crois que c´était d´un cancer mais je ne m´en souviens plus et je pleure. Je pleure parce qu´il est parti avant que je ne puisse lui dire merci.
Alors aujourd´hui si Monsieur Ben me lit, ce que vous êtes certainement en train de faire depuis là-haut, je voudrais vous dire Thank You, et je pense que je ne suis pas la seule.


Classe des 6ème Verte, Externat Privé Saint Honoré d´Eylau, 1989-1990

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